LA JOIE DE VIVRE (Emile Zola)

Publié le par DEVOTIONALL

Le temps guérit les blessures, et Zola peut enfin, en 1883, s’atteler à son nouveau roman décrit comme une « pause bucolique » dans son grand œuvre social des Rougon-Macquart. Le livre est publié la même année que « A rebours » de Huysmans, en pleine période décadente, et suite à une série de décès qui ont bouleversé l’auteur : inutile de dire que le ton sera empreint de pessimisme, que la mort sera présente et l’espoir bien mince ( incipit de La Joie de Vivre : Comme six heures sonnaient au coucou de la salle à manger, Chanteau perdit tout espoir ). Pourtant Zola va créer un personnage féminin, Pauline, modèle de constance, de femme capable de trouver la beauté, le coté aimable des choses, même dans les pires tragédies. En cela il s’agit là de proposer la figure de Denise, la vendeuse du Bonheur des dames, de façon plus aboutie et crédible. Eprouvée par les aléas de l’existence et du destin, elle fait face à un foyer en pleine perdition : entre Chanteau son père adoptif, malade profond et toujours en train de « gueuler » comme le dit l’auteur, une mère adoptive jalouse qui la ruine peu à peu, et Lazare, dont elle va s’éprendre à l’adolescence, et qui la condamnera à une vie misérable et de dédiction vaine aux autres.

L’action de la Joie de Vivre se situe en Normandie, dans une petite ville portuaire appelée Bonneville. L’héroïne en est Pauline Quenu, fille de Lisa Macquart et du charcutier Quenu (voir Le Ventre de Paris), orpheline à l’âge de dix ans et confiée à des cousins appelés les Chanteau. Héritière d’une fortune assez considérable, Pauline se laisse peu à peu dépouiller d’une grande partie de ses biens par madame Chanteau et son fils Lazare, sans pour autant perdre son amour pour eux, conservant jusqu’au bout la joie de vivre qui a donné son titre à l’ouvrage. Une certaine forme d’innocence qui vient continuellement se heurter aux réalités de la vie, au caractère égoïste et tristement humain de sa famille adoptive.

Tout devrait pourtant la conduire au pessimisme : elle aide les pauvres, qui la remercient en la volant ; elle déborde d’affection pour sa tutrice, qui lui dérobe pourtant une partie de son héritage et se met à la haïr ; amoureuse de Lazare, le fils des Chanteau, elle l’aide à mettre sur pied des projets chimériques, mais voyant que celui-ci lui préfère Louise, son amie et rivale, elle brise ses fiançailles avec Lazare et le pousse à épouser Louise. Elle garde pourtant confiance au milieu des épreuves et accepte même d’élever Paul Chanteau, fils de Louise et de Lazare, pour qui elle dépensera ses derniers deniers. Ce roman psychologique pousse la logique christique jusqu’au bout, l’esprit de sacrifice d’une jeune femme que tout pourtant devrait amener à la révolte, et à l’amertume. Des scènes d’anthologie parsèment cette réussite incontestable, comme celle de l’accouchement de Louise, la rivale de Pauline, qui s’effectue dans un bain de sang et vous tient en haleine un chapitre durant. Un roman qui va réussir à gagner les faveurs d’une bonne partie de la critique, et recevra un accueil assez favorable, confortant ainsi une bonne partie de la bien pensance dans l’idée que Zola s’est assagi, et que le pire est désormais passé. Une immense, colossale erreur, et cela alors que se profile à l’horizon de véritables brûlots, des romans socialement inacceptables pour l’époque, dont nous reparlerons très prochainement.




Les autres romans sont ici :

Au bonheur des dames

Pot bouille

Nana

Une page d'amour

L'assomoir

Son excellence Eugène Rougon

La faute de l'abbé Mouret

La conquête de Plassans

Le ventre de Paris

La curée

La fortune des Rougon

Publié dans Journal des culturés

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