LUKE "Les enfants de Saturne"
Le rock ou la pop à la française souffre t'il de complexes ? c'est la question qu'on se pose régulièrement, à l'écoute des nombreux albums qui nous tombent entre les oreilles. Difficile d'acoucher d'une belle mélodie, d'un bon disque pop dans le sens noble du terme, de produire des chansons mielleuses sans être lourdes ou trop sucrées, légères sans être inconsistantes et futiles. Les français se prennent diablement au sérieux, la musique de l'hexagone se nourrit des tensions et des problèmes sociaux, se morfond souvent dans son misérabilisme, ou se sent investi d'une pseudo mission poétique, le grand mythe de la chanson engagée à texte : dur de vivre à l'ombre de Brassens et consort, quand nos voisins britons grandissent avec comme référence les Beatlles et un talent indéniable pour ciseler la pop comme personne d'autre. En France, dès qu'en groupe envisage le passage sur les grandes radios classiques, c'est encore pire. On l'accuse tout de suite de se vendre et de se sacrifier sur l'autel du commercial, comme si les artistes produisaient tous pour ne pas vendre, pour rester cloisonnés dans d'étroites chapelles. LUKE fait un petit carton sur les radios FM pour ados, depuis l'été, mais prétent tout de même, avec son second album, Les enfants de saturne, maintenir une crédibilté suffisante pour conserver sa carte de membre du club de la scène française qui se prend la tête. Exercice d'équilibrisme intéressant.
Dès le premier titre, LUKE fait vrombir ses guitares et en rajoute des couches dans l'amplitude du son, histoire de porter bien haut l'étendard du rock, plus crédible que celui un peu tarlouze en nos contrées de la pop. La rugosité du groupe semble quand même un peu forcée, il ne suffit pas toujours de ne pas se laver les cheveux pendant des semaines pour ressembler à Kurt Cobain, l'instrument en main. Les tubes sont présents, comme Stella ou La terre ferme, mais que valent vraiment ces morceaux, qui semblent au final des copier coller trop vite ficelés de tout ce qu'on peut entendre entre Europe 2 et les radios universitaires à longueur de journée. Bordeaux n'est pas Manchester ou Londres, et le destin des LUKE est de lutter avec vélléïté contre un destin qui semble déjà écrit. L'ombre de Noir Désir reste très présente, et franchement ils ne font pas grand chose pour s'en départir. Ce qu'on attendait en fait, du successeur de La tête en arrière, c'est une bonne paire de titres catchy, poppy, car tant qu'à lorgner sur la bande FM, autant savoir se départir de ses influences et s'abandonner entre les bras de la mélodie pure et franchir un palier suffisant vers la maturité. Mais LUKE est encore un groupe adolescent, qui n'a pas encore tué le père. Sa voix n'a toujours pas muée, et ses accès de révolte lycéenne n'ont pas la fougue et l'incandescence qu'ils voudraient nous faire croire. Ah la malédiction d'une certaine scène française... Les enfants de saturne, un album bourré d'explosifs qui risque bien de finir en pétard mouillé. ( 5/10 )
PS : Eddy, je te confie volontiers une chronique irrégulière sur la scène française. Tu as un moment ?