L'AMI DE LA FAMILLE ( DE P.Sorrentino )

Publié le par DEVOTIONALL

Parmi les noms qui comptent, chapître nouvelle génération des réalisateurs italiens, les vraies bonnes surprises se font de plus en plus rares. La seule vraie grande valeur sure de ces dernières années semble être Paolo Sorrentino, qui à travers ses productions léchées et parfois glacées, a su se trouver un public fidéle et conquis. Si "L'uomo in più" avait encore des relents d'inexpérience, le formidable "Consequenze dell'amore" fut un travail d'orfèvre, salué sur ce blog comme il se doit. Sorrentino nous revient donc avec un nouveau film bien dans le ton de son dernier chef d'oeuvre, "L'amico di famiglia", qui bénéficie enfin d'une sortie en France sous le titre peu original de "L'ami de la famille". C'est parti...

Geremia, 70 ans, usurier, monstrueusement laid, sale, riche et radin, cynique et ironique, est le protagoniste de ce film. Il a un rapport morbide avec l’argent, obsessionnel. Tout le rend malade, sa mère, son père, l’argent, les femmes, en somme la vie... C’est pour cette raison qu’il a l’impression d’être seul. Et pourtant il ne l’est pas. Sa figure de monstre en marge de l'humanité, je vous assure, n'est pas une fiction, mais un aperçu de la sordide réalité d'une partie de l'humanité, à laquelle il n'est jamais bien certain que nous n'appartenons pas.

 Fort du succès d’estime des Conséquences de l’amour (2004), son précédent long métrage, également présenté en compétition au festival de Cannes, Paolo Sorrentino remixe la comédie italienne avec des bandes sons post modernes empreintes de totale branchitude. C'est très tendance, et ça marche particulièrement bien. A mi-chemin entre le cynisme des frères Coen et la bouffonnerie onirique de Fellini, il brosse le portrait d’un ogre lubrique et pervers, monstre au propre comme figuré, qui manie l’ambiguïté comme le doute. Son entourage (affreux, sale et méchant) ne vaut pas mieux.
Cet objet, plus inapprivoisable que prévu, possède une ambiance qui se situe du côté de la série B crasseuse avec un goût réjouissant pour l’extrême (effets de mise en scène baroques, musique technoïde, scènes redoutables avec notamment en guise de prologue un gros plan angoissant sur le visage d’une bonne soeur enterrée dans le sable, qui fait echo à celui du protagoniste du film précédent qui disparait coulé dans le béton). Autant le dire, ce ne sera pas au goût de tout le monde mais il y a une volonté flagrante de bouleverser les usages et les conventions, de succomber aux interdits (ainsi qu’une tendance à la pose qui risque de fâcher ceux qui n’apprécient pas l’esthétique clip), de dynamiter une production cinématographique de plus en plus frileuse. Et cette singularité séduit ici comme elle le fit avec Les conséquences de l'amour. Un léger bémol en dessous de la force de ce grand film, mais bien au dessus de la production italienne récente..


Vous allez aimer le détester, vous allez détester l’aimer et, pour les plus courageux d’entre vous, vous allez adorer adorer ce film punk qui hurle son dégoût du conformisme. En détaillant les recoins obscurs et autres ramifications tordues d’une intrigue dont il se contre-fout, le cinéaste, tel un taureau fou lâché dans une arène, offre sur un plateau un immense plaisir coupable qui respire le chaud comme le froid et laisse dans la tête non pas une trame précise mais une succession de moments majestueux évoquant ces songes lointains jamais vraiment éteints. Ce film est bancal, un peu malade, certainement provocateur, à coup sur immoral, mais il est aussi ce que Sorrentino sait offrir de mieux au cinema italien : un bon coup de balai là où la poussière s'était accumulée depuis des lustres. Affreux, sale, méchant, et talentueux, il faudra dorénavant rajouter un adjectif à la sempiternelle triade!  (7/10)

( merci au site à voir, à lire )

Publié dans AU CINE CE SOIR

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D
Le ton du film est quand même très spécial. Cela peut dérouter beaucoup de spectateurs. Je ne suis pas sûre que je le conseillerais même si c'est du cinéma qui sort des sentiers battus.
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